Jacques Charles, le père des relations entre la température et la pression

06/01/2017
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Sans la connaissance des relations entre pression et température découvertes par Jacques Charles, nous n’aurions pas aujourd’hui la majorité des quelque milliards de machines frigorifiques qui équipent nos maisons, nos voitures, nos usines ou nos bureaux.

Ces relations ont été mises en évidence en 1787, cinquante ans avant l’invention de la machine frigorifique, par Jacques Charles, qui est connu de tous les étudiants, pour la formule qui porte son nom P1/V1 = P2/V2. Mais circonscrire le parcours scientifique et technique et la vie de Jacques Charles  à cette brève formule, quelle qu’en soit la puissance, serait bien réducteur.

Jacques Alexandre César Charles est né le 12 novembre 1746, 15 rue Porte-Vendômoise à Beaugency. On peut encore y voir sa maison natale. Son père est conseiller du roi et procureur dans cette ville. Il se distingua d’abord dans ses études littéraires à Beaugency et Meung-sur-Loire, puis dans tous les arts de la musique à la peinture, montrant un goût certain et des facilités dans chacun de ces domaines.

Un itinéraire de l’administration à la science

Après ses études, il commence à travailler pour l’administration des haras qui se trouve rattachée en 1764 au ministère des Finances. Il y acquiert une charge modeste au sein des services financiers et des tâches administratives. Parallèlement, il s’intéresse à la science et à l’instar d’Emilie le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet (1706-1749),Louise Tardieu d’Esclavelles, dame de Lalive, mieux connue sous le nom de Madame d’Epinay (1726-1783), qui recevaient dans leurs cabinets de lecture savants et érudits, il commence à se constituer un cabinet de physique qui attire de nombreux spectateurs.
C’est au plan économique du contrôleur général des finances que nous devons le passage définitif de Jacques Charles dans la carrière des sciences, car son emploi fut supprimé et il quitta ses activités administratives pour les sciences dans lesquelles il brilla. Lorsque se souvenant de lui, l’Administration lui proposa, à nouveau, un poste dans la trésorerie, il était trop tard, les sciences avaient pris Charles, elles ne le rendraient plus !
Le pécule issu de son départ de l’Administration lui permit de financer les premiers équipements de son célèbre cabinet de physique. Pendant plus de trente ans, ses séances d’expériences publiques connurent un grand succès et accueillirent les plus grandes célébrités du temps et les scientifiques les plus brillants tels que Benjamin Franklin ou Alessandro Volta. Les séances de Jacques Charles auraient fait dire à Franklin : « La nature ne lui refuse rien, il semble qu’elle lui obéisse.»
Le 5 juin 1783, à Annonay, devant les états du Vivarais, les frères Montgolfier réalisent, avec leur ballon à air chaud, l’un des plus vieux rêves de l’homme : s’envoler ! La nouvelle se répand comme une trainée de poudre dans la capitale et Charles est frappé par ces résultats. Il entreprend aussitôt de faire aussi bien autrement.
Jacques Charles s’était déjà intéressé à la chimie et plus particulièrement aux gaz, étudiant leur densité et leurs propriétés. Il s’intéresse particulièrement à l’hydrogène déjà étudié par Cavendish dont il confirme les résultats. C’est avec cet hydrogène qu’il se lance dans la course au ballon lancée par les frères Montgolfier.
Il en démontre la capacité ascensionnelle dans l’air en insufflant le dihydrogène dans des bulles de savon. Son premier modèle est un petit ballon de 33 m3en toile de soie enduite d’un vernis de caoutchouc, confectionné par Anne-Jean et Marie-Noël Robert, des fabricants de matériel de mesure avec lesquels il travaillait déjà pour son cabinet de physique.

Le premier vol habité… en montgolfière

Parti du Champ-de-Mars, le ballon de Charles effectue, à vide, un vol de 16 km. Le 1er décembre 1783, Jacques Charles effectue son premier vol « habité » avec Nicolas Robert. Parti à nouveau des Tuileries, devant une foule immense, il se pose près de Nesles puis repart seul. Il atteint une altitude d’environ 3 300 mètres avant de redescendre.
A cette altitude, le thermomètre de bord descend de près de 10 °C sous zéro, mais c’est encore du froid naturel. Ce fut son premier et dernier vol, mais aussi le premier vol habité d’un ballon à gaz, ouvrant la porte à une industrie qui allait se développer jusqu’à la construction de grands dirigeables et connut son âge de gloire dans les années trente. Louis XVI qui avait d’abord donné l’ordre d’interdire cette expérience gratifia Charles d’une « pension assez considérable» nous rapporte Joseph Fourier dans son éloge.
Ce n’est pas que par son ascension dans les couches froides de l’atmosphère que Charles a apporté une contribution au monde du froid. Ses travaux sur les gaz ont apporté une contribution majeure à la thermodynamique et par la même au froid artificiel avec, bien entendu, la découverte en 1787 de la loi des gaz parfaits  qu’il ne communiqua pas publiquement.
Ce fut Gay-Lussac qui la publia en 1802, sans pour autant s’en attribuer la paternité, ayant lui-même laissé son nom à la relation entre pression et température à volume constant, loi indissociable de celle de Charles : PV = n.R.T. Mais Jacques Charles a aussi apporté une importante contribution à la métrologie et particulièrement à la métrologie utilisée en réfrigération. Dans le cabinet de physique que Louis XVI lui a permis d’installer au Louvre, il perfectionne et développe des instruments de mesure parmi lesquels l’altimètre qui lui permit de mesurer les altitudes atteintes par son ballon, mais aussi le thermomètre avec en particulier en avril 1786, un essai sur la comparabilité des thermomètres et des moyens de s’en servir comme aéromètres.

Une contribution majeure à la thermodynamique

Au-delà de ses travaux en lien avec le froid, comme nombre des scientifiques de son temps, Jacques Charles contribua à l’avancée de nombreuses sciences et techniques. Il fut le premier à capturer une image sur du papier imprégné de chlorure d’argent, mais ne sut pas la fixer. Il avait inventé Instagram avant la photographie qu’il laissait à Nicéphore Niepce le soin de mettre au point ! Il travailla également en optique au développement d’un mégascope achromatique pour reproduire en les agrandissant des objets.
Le 29 brumaire an IV le Directoire le nomme à l’Académie des sciences. Il sera également professeur au Conservatoire national des arts et métiers et bibliothécaire de l’Institut royal. Napoléon Ier le fit chevalier de la Légion d’honneur.
Indirectement, même s’il laissa peu d’écrits et de publications, Jacques Charles apporta une contribution à la littérature française à travers son épouse, Julie Bouchaud des Hérettes (1784-1817),qu’il avait épousée en 1803 à l’âge de 22 ans alors qu’il en avait lui-même déjà 58, et dont Alphonse de Lamartine s’éprit en 1816, un an avant qu’elle ne meure. Le poète en fit son Elvire dans les célèbres vers du Lac, dans les Méditations.
Jacques Charles est mort à Paris le 7 avril 1823 à 77 ans de la maladie de la pierre dont la science ne l’avait su guérir. Il repose au cimetière du Père Lachaise. Son éloge funèbre fut prononcé pendant la séance publique de l’Académie des sciences du 16 juin 1828 par le Baron Joseph Fourier.
Le cabinet de physique de Jacques Alexandre Charles acquis par Napoléon Iercompte, depuis 1807, parmi les pièces les plus remarquables du musée des Arts et métiers. La maison en tôle (inv.: 01690-0001-) pour montrer les effets de la foudre, l’un des éléments de ce cabinet de Charles, a été prêtée par le musée en 2006 pour l’exposition sur Benjamin Franklin, l’ami de Charles, à l’occasion du tricentenaire de sa naissance.
Gérald Cavalier
Président de l’AFF – Association Française du Froid

Bibliographie

  1.  Un enfant illustre de Beaugency : le physicien et aéronaute Jacques Charles (1746-1823), Orléans, Académie d’Orléans, 2003, 37p,
  2. Joseph Fourier Éloge historique de M. Charles, lu dans la séance publique de l’Académie royale des sciences le 16 juillet 1828, dans Mémoires de l’Académie des sciences de l’Institut de France, Gauthier-Villars, Paris, 1829, tome 8, p. LXXIII-LXXXVIII 
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