Parlons-en ! La logistique urbaine et le “dernier kilomètre”

03/02/2022
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Les infos pro

L’édito

Une ville possède au maximum 48h d’autonomie en produits frais. Tous les jours, nos camions approvisionnent donc les métropoles françaises en denrées périssables. En parallèle, les citadins se questionnent sur l’engorgement des centre-villes, un problème climatique et social qui doit être traité.

Comment concilier ces deux enjeux : l’approvisionnement en produits frais, vital pour les consommateurs, et le désengorgement des centre-villes tout aussi vital pour les citoyens?
Les débats en cours sont complexes, les décisions peinent à s’harmoniser d’une métropole à l’autre et parfois même au sein d’une métropole. L’exemple de l’élaboration du SCOT du Grand Paris est révélateur à cet égard. En construction depuis quatre ans, le document peine à trouver sa forme définitive face à la pression du foncier, aux impératifs climatiques et aux attentes des habitants. Dans les mêmes temps, d’autres métropoles françaises et européennes prennent des dispositions indépendantes (et souvent différentes) quand à la gestion des flux logistiques. Comment s’adapter ?

Cela ne sera pas possible sans une harmonisation de la réglementation et des choix technologiques uniformisés. Les entreprises spécialisées dans la température dirigée se mobilisent, elles sont volontaires et disposées à se mettre autour de la table pour participer aux réflexions. Il est urgent de trouver un plan d’ensemble cohérent, qui fasse loi au niveau français et européen.

Valérie LASSERRE
Déléguée Générale de LA CHAINE LOGISTIQUE DU FROID

Logistique urbaine

Logistique urbaine, dernier kilomètre .. de quoi parle-t-on ?

8 Français sur 10 vivent en ville. Les zones urbaines et péri-urbaines concentrent la majorité des services, emplois et habitations. Les activités agricoles et industrielles s’éloignent (parfois drastiquement) des centre-ville, multipliant les flux de transport afin de servir les grands pôles de consommation. C’est encore plus vrai à Paris et dans sa région, 5eville mondiale pour la densité de sa population (de l’ordre de 21 000 habitants au km2).Pour arriver jusque dans l’assiette du consommateur –à la maison, à la cantine, à emporter ou au restaurant-, les produits frais et surgelés empruntent des routes bien planifiées. Qu’ils viennent de loin ou du champ voisin, la distribution de ces produits périssables dans les points de vente en ville pose de réels défis. La fin du parcours, appelée communément « dernier kilomètre » ou distribution fine, nécessite le travail coordonné des agents, opérations et équipements associés. Le dernier kilomètre des produits pèse d’ailleurs pour 15% du trafic global1. La demande en produits périssables, essentiels à la consommation quotidienne, ne cesse pourtant d’augmenter, et le transport de produits frais en ville ne faiblit pas avec la tendance à la hausse de livraisons de repas et de courses à domicile.

Le dernier kilomètre des produits frais et surgelés s’effectue dans un milieu contraignant, voire hostile :  les rues sont étroites, le trafic important, les zones de livraisons inadaptées aux poids lourds, les contraintes réglementaires s’accumulent (normes euroV, vignette Crit’air, vitesse limitée) et certains riverains s’opposent aux camions, jugés polluants, bruyants et encombrants. Pour les professionnels, le milieu urbain demande de faire preuve d’adaptation constante.

Pour les transporteurs : un métier de plus en plus périlleux

« Sur le dernier kilomètre, il y a toujours des imprévus à gérer» confirme Victor Faramia, président de l’entreprise de transport NJS Faramia. Ils impactent avant tout les collaborateurs : la livraison en ville se déroule dans un univers stressant et changeant, qui implique une réflexion sur le matériel et les véhicules. « Notre défi c’est d’accompagner au mieux les conducteurs une fois arrivés en ville. Nous travaillons en permanence à adapter les équipements pour nos conducteurs : camions moins bruyants pour les villes, avec une meilleure visibilité pour le conducteur, etc. Le matériel est crucial pour la livraison du dernier kilomètre : les accrochages sont fréquents en centre-ville. L’aide à la conduite est décisive dans le choix des équipements. Nous cherchons à apporter un maximum de soutien aux conducteurs. »

A ce choix sécuritaire, s’ajoute pour les transporteurs la question de l’alimentation. Pour les entreprises il s’agit d’un choix complexe. « Le dernier kilomètre nécessite une réflexion globale, de l’amont (producteurs) à l’aval. Le sujet ne concerne pas seulement les acteurs de la supply-chain mais implique également les plans de circulation des villes. En tant que profession, nous ne pouvons pas imposer quoi que ce soit. Or les plans d’aménagement sont de plus en plus drastiques et compliqués» regrette Victor Faramia.

Concentrer ou décentraliser : le défi des logisticiens

A Paris, par exemple, les plans d’aménagement déjà drastiques se complexifient encore avec l’entrée en vigueur de la ZFE (Zone à Faibles Emissions) prévue en 2024. Tant les flux de transport que les hubs logistiques de stockage sont impactés, notamment en raison de la pression foncière qui limite fortement les développements logistiques. « Deux options se dégagent » analyse le directeur d’une entreprise de logistique basée en région parisienne. « Nous pouvons soitbâtir des petites plateformes de logistique partout autour des villes à desservir afin de répartir les flux, soit construire des plateformes de logistiques plus importantes, moins nombreuses, un peu plus loin des villes pour réorganiser les circuits de distribution des produits avant l’arrivée en ville. » D’un point de vue logistique, la seconde solution est plus efficace mais nécessite davantage de foncier en un seul et même point. Se pose alors la question de l’acceptabilité auprès des riverains et des pouvoirs publics qui préfèrent parfois allouer les espaces fonciers libres à des industriels plus discrets et moins consommateurs d’énergie.

Zoom sur :

L’innovation face au défi de la logistique urbaine

Depuis quelques années, on évoque de nouvelles alternatives au transport routier traditionnel. Ainsi il est aujourd’hui question de transport fluvial, maritime, ou même de transport par drone. S’il est important de développer de nouveaux modes de transport qui répondent à certaines contraintes techniques particulières -le drone peut notamment se montrer intéressant pour les territoires enclavés ou difficiles d’accès par la route- ces solutions multimodales ne sont pas toujours adaptées aux contraintes des produits frais. Pas question en effet de rompre la chaîne du froid, première préoccupation des professionnels de la température dirigée.

Electrifier les véhicules frigorifiques

Depuis plusieurs années sont développés des véhicules plus petits, alimentés par l’hydrogène ou l’électricité. Volta Trucks, nouveau venu parmi les constructeurs, ambitionne de déployer une flotte de véhicules électriques « dernier kilomètre » dans les grandes capitales européennes, comprenant une offre de camions dédiés à la température dirigée. « Notre objectif est d‘électrifier rapidement et simplement le transport routier » explique Anthony Buron, chargé du développement pour la France. Le matériel développé veut répondre conjointement à trois problématiques des transporteurs « la décarbonation, d’abord. L’accès aux centre-villes pour les véhicules thermiques va se réduire, avec notamment l’interdiction du diesel dans les ZFE, Paris en tête en 2024. Nous travaillons également à un poste de conduite qui permet de gagner en sécurité et en confort. » Une attention particulière est portée à la visibilité, car le camion représente 4% du trafic urbain, mais 30% des accidents mortels avec les piétons. L’habitacle repensé doit aussi améliorer les conditions de conduite, réduire la pénibilité et le stress et donner envie de conduire alors que les entreprises peinent à recruter et fidéliser les conducteurs. L’autonomie est spécifiquement adaptée à la logistique urbaine : 150 km avant la recharge « cela correspond aux besoins de 90% des transporteurs qui réalisent entre 80 et 120 km par jour en ville » indique Anthony Buron. Les premiers véhicules sortiront d’usine d’ici fin 2022.
Réfrigérer les colis plutôt que les véhicules

Le numérique figure également parmi les solutions phares, en permettant notamment aux opérateurs de contrôler en direct à la fois la température au sein des véhicules, et la réception du colis.
Dans ce contexte, de nouveaux acteurs émergent sur le marché, tels que Chronofresh : « Nous proposons des livraisons en colis express national, sous température dirigée. L’innovation principale réside dans le fait d’avoir adapté les standards du colis express, sur le modèle de Chronopost, aux normes de la chaîne de distribution du transport des produits frais et surgelés. » explique Christophe Desgens, Président de Chronofresh.

Il poursuit : « Afin d’anticiper les risques liés à la rupture de la chaîne du froid, nous avons développé une technologie sur-mesure avec des alertes systématiques en cas d’écart de températures. Ces informations proactives sont ensuite analysées puis traitées par une cellule dédiée. Chambres froides, véhicules frigorifiques et caisses isothermes sont ainsi tous munis de capteurs nous permettant de suivre et de contrôler la température en temps réel. »

LA CHAÎNE LOGISTIQUE DU FROID représente aujourd’hui près de 120 entreprises ou groupes de transport et de logistique sous température dirigée pour compte d’autrui représentant :

  • 50 000 salariés
  • 15 000 véhicules
  • 875 000 m2 stockage froid positif
  • 8,5 M m3 stockage froid négatif

Membres associés :

TRANSFRIGOROUTE France est un organisme d’études techniques regroupant :

o   Fabricants de matériels (carrosseries, poids lourds, groupes frigorifiques, hayons, télématique) ;
o   Loueurs de véhicules frigorifiques ;
o   Laboratoire d’essai d’engins frigorifiques.

USNEF est un syndicat de branche ayant la responsabilité de l’animation de la Convention Collective des Exploitations Frigorifiques.

 

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